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mardi 1 juillet 2014

Chronique de C. Voos: UE-Russie, un bien triste anniversaire


 
Sans tambour ni trompette, on fêtait  la semaine dernière (24 juin) le 20e anniversaire de l’accord  de base instituant les relations de partenariat entre la Russie et l’UE.

L’effondrement de l’URSS en 1991 a surpris toute la communauté internationale, comprennant bien sûr la Communauté européenne. Certains ont suggéré l’adhésion de la Russie à la Communauté européenne, mais la taille de celle-ci, créait un problème de disproportion difficilement surmontable. La Communauté européenne ne comptait alors que 12 membres.



Restait l’association.

Preuve d’un certain embarras, l’accord de Partenariat et de Coopération n’est soumis au conseil européen que le 24 juin 1994 soit trois ans après la chute de l’URSS.

Il se borne à créer un cadre de dialogue, le sommet bisannuel UE-Russie et envisage à une échéance très vague une zone de libre échange entre l’UE et la Russie.

 Plus tard en 1999, après l’élargissement de 1995 à l’Autriche, la Suède et surtout la Finlande, dont l’intégration confère à l’UE une frontière commune avec la Russie, l’accord d’association est englobé dans un cadre plus général, la Stratégie Commune pour la Russie.

C’est à ce moment que les choses se gâtent. En effet, le texte se fixe pour objectif majeur et préalable de « consolider la démocratie, l’Etat de droit, l’intégration de la Russie dans l’espace social et économique européen commun ». C’est le principe que l’UE applique aux pays candidats à l’adhésion. Or, la Russie n’est pas candidate et devrait être traitée comme un pays extérieur au même titre que les Etats-Unis ou la Chine.

Vu de Russie, on y voit un premier signe d’ingérence inadmissible dans ses affaires d’ordre intérieur.

Vient l’élargissement de 2004, qui contribue également à la dégradation des relations entre UE et la Russie. La raison principale de cette nouvelle tension est  à chercher  dans la fusion des élargissements de l’OTAN et de l’UE exigée par Washington.

Deux autres initiatives européennes viennent assombrir le tableau :

-          La première porte sur le SCR, venue à expiration en 2007. Depuis lors, plusieurs pays nouvellement intégrés à l’UE bloquent la négociation d’un nouveau texte. Il s’agit des pays baltes, de la Suède mais surtout de la Pologne. Ce texte jugé non satisfaisant par Moscou est prorogé d’année en année et sa révision ne semble absolument pas être une priorité pour Bruxelles.

-          La deuxième, portée par les mêmes pays, définit en 2009 une nouvelle politique européenne, le Partenariat oriental. Celui-ci propose une association à l’UE à tous les pays de l’ex-URSS situés en Europe (Biélorussie, Ukraine, Moldavie) et dans le Caucase (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan). Ce Partenariat oriental est perçu à Bruxelles comme un élément de ce qu’on y appelle le « smart power de l’UE. Son énoncé est toutefois ambigu ! On peut le voir guidé par l’idée d’une mission civilisatrice » de l’Europe, de la promotion du « Bien » …Mais on peut tout aussi bien le lire comme une excellente définition de l’impérialisme !

De surcroît, d’autres éléments sont entrés en conjonction avec le Partenariat oriental et viennent brouiller sa seule dimension européenne, ce « désir d’Europe » :

-          Le premier est que Washington, suivant à la lettre la doctrine Brzezinski, s’active de longue date pour obtenir l’entrée de tous les pays concernés par le Partenariat oriental dans l’OTAN. Au sommet de l’OTAN de 2008, il proposait déjà l’entrée de l’Ukraine et de la Géorgie.

-          Le deuxième est le rôle très particulier de la Pologne. Historiquement, la Pologne a considéré à plusieurs reprises son expansion vers l’Est comme une croisade. Le sentiment d’une mission civilisatrice de la Pologne, « rempart de la Vraie foi » face à ceux qui sont désignés comme des « païens » ou des « hérétiques » (les chrétiens orthodoxes) est encore très ancré. De ce fait, l’objectif traditionnel de la diplomatie polonaise est d’arracher les pays entre la Baltique et la mer Noire à l’influence russe.

Dans tous les cas, dans son expansion continue, l’UE est entrée de plain-pied dans le périmètre de sécurité de la Russie dès 2004, avec les pays baltes. Avec le Partenariat oriental de 2009, elle vise à associer la dernière rangée de pays la séparant de la frontière russe. Or la Russie de 2009 n’est plus l’Etat aux abois et démuni de moyens qu’elle était en 2000 !

En effet, depuis 2000, Moscou a entrepris de restaurer une certaine puissance russe. Elle essaye de garder une influence sur certains de ses voisins directs, qui étaient intégrés à l’URSS et bien avant à l’empire russe, et où elle jouit d’une certaine légitimité historique.

Cette politique s’apparente à la relation particulière qu’entretiennent toutes ex-puissances coloniales avec leur ancien empire : le Royaume-Uni avec le Commonwealth, la France avec l’Afrique sub-saharienne.

Or cette légitimité historique est aujourd’hui contestée par l’OTAN qui veut s’étendre à l’Ukraine et au Caucase !

A côté des enjeux économiques énormes, qui se traduisent par une lutte entre grandes puissances pour le contrôle stratégique des ressources et des voies d’approvisionnement, il y a une dimension « choc des civilisations » qu’il ne faut pas perdre de vue.

Il y a bel et bien un affrontement entre deux influences, celles de Bruxelles et Washington d’une part, celle de Moscou de l’autre, pour une zone qui était jusqu’à présent dans l’obédience de cette dernière …

En 2013, l’affrontement entre l’UE et la Russie a pris une forme directe à propos de l’Ukraine avec les développements que l’on sait et son tout dernier épisode, la signature de l’accord d’association entre l’UE, l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie ce 27 juin dernier.

Il est  à noter que le « smart power » de l’UE repose avant tout sur l’importance de la corne d’abondance qu’elle est disposée à déverser (11 milliards d’euros). Or la crise de la zone euro et la montée de l’euroscepticisme sont  passées par là. Nous ne sommes plus en 2004. Il n’est pas sûr non plus que la subordination de l’offre de l’UE à la mise en place d’un plan drastique du FMI s’avèrera très porteuse pour l’Ukraine.

De son côté le Ministère russe des affaires étrangères a déclaré que l’accord intervenu entrainerait une perte économique pour la Russie. La commission européenne a  proposé pour sa part d’organiser, le 11 Juillet, une rencontre ministérielle entre la Russie, l’Ukraine et l’UE. La Russie a accepté mais aurait souhaité que cette rencontre ait pu se dérouler avant la signature de l’accord !

Que peut-on conclure de ce qu’il précède ?

Vu de Moscou, dans le nouveau paysage mondial, l’UE est vouée à se marginaliser, ses moyens de défendre ses intérêts et ses valeurs s’amenuisant de plus en plus. On juge que cette organisation est pour des raisons structurelles en recherche de conflit avec Moscou et que les Etats, qualifiés d’anti-russes poussent à ce conflit, en quête d’une revanche historique. Que cette tendance est d’autant plus forte qu’elle entre en conjonction avec une politique américaine inspirée de la doctrine Brzezinski.

Mais on peut penser aussi à Moscou que dans ces pays, y compris la Pologne, les milieux économiques modernes sont plus séduits par l’avenir qu’à ressasser ad vitam aeternam l’idée d’une « mission historique ».

D’ailleurs les milieux économiques russes reprennent volontiers  la proposition maintes fois énoncée par leur gouvernement depuis deux décennies : une Alliance européenne, un espace économique et humain commun créés par la Russie, l’UE et d’autres pays. Selon eux, cette association pourrait constituer le troisième pilier du nouvel ordre mondial en construction qui faute de cela risque peut-être bien d’être bipolaire, limité à l’Asie et à l’Amérique du Nord.

Dans l’état actuel des choses, l’UE, éblouie par le nouveau succès de son « smart power » ne voit pas le monde ainsi … et pousse chaque jour d’avantage la Russie  à « Saisir le vent chinois dans les voiles russes » (Vladimir Poutine) !

 
Articles connexes :
Pologne-Russie : quelles relations ? http://www.diploweb.com/Pologne-Russie-quelles-relations.html
De nouvelles lignes de partage en Europe de l’Est ? http://www.affaires-strategiques.info/spip.php?article9785
L’aide à la Grèce, une bagatelle par rapport aux besoins de l’Ukraine. http://www.romandie.com/news/Laide-a-la-Grece-une-bagatelle-par-rapport-aux-besoins-de/488345.rom
Is containment back ?  http://www.russianmediacenter.org/?p=954 
Today’s EU doesn’t have room for Ukraine.
http://www.themoscowtimes.com/opinion/article/todays-eu-doesnt-have-room-for-ukraine/502593.html

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