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jeudi 23 août 2012

Les volontaires d'une "milice religieuse": de la justice à la vengeance?

Voir: http://www.gazeta.ru/social/2012/08/22/4734697.shtml

L'affaire Pussy Riot, et plus que le procès, leur action même et la manière dont et les forces publiques et la société réagit, semble avoir ouvert la boîte de Pandorre en élargissant le champ du possible. S'il est socialement acceptable d'entrer dans une église pour y faire un concert punk contre l'Eglise (l'orientation anti-religieuse plus que politique s'est confirmée avec le mouvement de soutien en Ukraine, où les jeunes femmes de ce mouvement Femen ont abattu à coup de hache une grande croix en bois le jour du jugement), il devient alors socialement acceptable de mettre sur pied une sorte de milice religieuse, composée de volontaires, pour protéger les édifices religieux. Pourtant, dans les deux cas, cela va à l'encontre des règles de droit. Cela va à l'encontre des intérêts sociaux. Les démarches sont aussi irrationnelles et destructrices. Mais dans les deux cas significatives.
Tout d'abord les faits. A Moscou et dans la région de Moscou, dans le cadre de l'organisation "Russie sacrée" (Сватая Pусь), des patrouilles de nuit dans les rues de Moscou et de sa région, composées de 5 à 7 volontaires, peuvent être organisées pour veiller au bon ordre "religieux". Autrement dit à ce qu'auncun acte de vandalisme ne touche les églises, monastères et autres lieux de l'Eglise, qu'aucune atteinte aux convictions religieuses des croyants ne soit perpétrée. Dans ces cas, ils "prendront les mesures nécessaires". Insistant sur le côté préventif de leur action, disant simplement vouloir dans ces cas remettre les "malfaiteurs" entre les mains de la police. Puisque, selon eux, aucun acte de vandalisme ne touche les lieux de culte juifs ou musulmans, la religion orthodoxe doit également apprendre à se faire respecter.
Si la hiérarchie ecclésiastique soutient du bout des lèvres ce mouvement, la police est plus perplexe. Les faits d'atteintes aux lieux de culte sont très rares et une aide particulière en ce domaine ne semble pas nécessaire. D'autant plus qu'un tel mouvement fondé sur l'appartenance ethnique ou religieuse risque plus d'aggraver la situation que de l'améliorer. Les forces de l'ordre rappellent, à juste titre, que les citoyens, individuellement ou dans le  cadre d'une organisation sociale, ne peuvent prendre de mesures de contrainte physique contre une autre personne, elles peuvent prévenir les forces de l'ordre mais pas intercepter l'individu en question.
Mais que signifie l'annonce médiatisée de ce mouvement de milice religieuse?
Tout d'abord, en ce qui concerne la médiatisation, cela démontre la volonté de contrebalancer la communication positive autour du groupe punk, dont l'appellation est maintenant une marque déposée. Il s'agit ainsi d'une guerre de communication. Puisque les médias libéraux diffusent en boucle des arguments, des prises de position, des déclarations en soutient, ils veulent montrer qu'il existe une autre part de la société qui considère ces actions comme socialement dangereuses et pas du tout artistiques. Et puisque les médias reprennent l'information, le coup porte.
Ensuite, cela démontre que des deux côtés la démarche atteint un niveau d'hystérie dangereux et la réflexion est tombée dans l'irrationnel. Le bruit médiatique autour de l'affaire Pussy Riot a artificiellement gonflé leur danger social, ce qui les met personnellement en difficulté. Sans oublier les actions collatérales qui sont menées dans le même sens. Pour une partie des croyants, le danger est réel, profond, les touche dans ce qu'il y a de plus profond et de moins rationnel, leur Foi. La réaction devient elle-même irrationnelle. Il faut des milices populaires, il faut se défendre contre un danger que l'on ne voit pas, qui est donc partout, car on ne peut le saisir. Chacun est suspect. Et voici les milices. C'est une escalade de l'hystérie. Qui peut avoir, elle, des conséquences importantes en matière d'ordre public.
Enfin, cela montre le sentiment de d'échec des structures étatiques en ce qui concerne le maintien de l'ordre public. Sentiment partagé par les deux parties, pour des raisons différentes. En ce sens, ici aussi, les extrêmes se rejoignent. Les partisans de l'art punk ne voient en l'action de Pussy Riot qu'un acte artistique anti-pouvoir, ce qui leur confère l'aura des prisonniers politiques, en oubliant rapidement les aspects religieux. Et leur rage se déverse contre le système, surtout judiciaire, qu'ils rejettent en bloc. Puisqu'avant le jugement, il était déjà analysé que si le juge prend une décision favorable au groupe, ce sera un aveu de faiblesse et un bon motif pour continuer, et si le juge condamne c'est parce que la décision est politique et ce sera un bon motif pour continuer. Donc, le système, pour ce clan est délégitimé en bloc, quelle que soit la décision judiciaire et avant celle-ci. Pour les partisans de l'Eglise, c'est une déligitimation manifeste de l'efficacité des forces de police à maintenir l'ordre public. Le jugement est quand même particulièrement fort, deux ans de prison ce n'est pas une plaisanterie. Ils ne pouvaient quand même pas attendre la peine de mort! Donc, malgrè un jugement sévère, leur sentiment d'insécurité reste très présent. cela montre, en premier lieu, que, à leurs yeux, la police ne peut pas empêcher les atteintes aux lieux de culte orthodoxe, elle ne peut que fixer les faits. En second lieu, toujours pour eux, le jugement ne sera pas dissuasif d'autres actions. Donc le rôle de la justice est également remis en cause. Puisque tout jugement, s'il doit écarter momentanément une personne socialement dangereuse, n'a de sens que s'il joue un rôle dissuasif. Mais pour cela, le fonctionnement tant de la police que de la justice doit être prévisible, c'est-à-dire systémique. Et cet aspect fait défaut.
Maintenant refermer la boîte de Pandorre ne sera pas une action facile et elle ne pourra se faire que dans l'établissement d'un nouveau consensus social.

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